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« Les États-Unis se sont opposés, ont déstabilisé, renversé ou assassiné chaque réformateur progressiste apparu sur la scène politique dans la région depuis plus d’un siècle »


Le Dr. Maria Páez Victor est une sociologue, née au Venezuela et éduquée à Caracas, New York, Mexico, en Angleterre et au Canada. Pendant plusieurs années, elle a enseigné la sociologie de la santé et de la médecine ainsi que les politiques en matière de santé et d’environnement à l’Université de Toronto. Le Dr Páez Victor a une expérience nationale et internationale dans l’analyse des politiques et l’évaluation de l’impact de l’environnement et de l’énergie, avec une expertise dans les domaines de la santé. Elle est un membre actif de la communauté latino-américaine au Canada.


Mohsen Abdelmoumen : Pouvez-vous nous dire quelle est la situation qui prévaut actuellement au Venezuela ?

Dr. María Páez Víctor : Il y a 6 questions clés pour comprendre la situation au Venezuela.

1) Le pétrole : La première chose à comprendre est que tout tourne autour du pétrole. Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole connues dans le monde dans un emplacement géographique hautement stratégique. Il faut 43 jours pour qu’un pétrolier voyage du Moyen-Orient aux raffineries du Texas, alors qu’il ne faut que 4 jours à partir du Venezuela. Les compagnies pétrolières et les gouvernements qu’elles soutiennent, convoitent le pétrole vénézuélien. Si le pays ne produisait que des mangues, personne ne se soucierait de ce qu’il s’y passe. Le gouvernement vénézuélien a pris le contrôle de sa compagnie pétrolière (PDVSA), a ouvert des contrats de partenariat privé pour l’exploitation pétrolière mais avec l’État qui détient la majorité des parts, leur a fait payer des taxes qui avaient été à 1% pendant 60 ans. Le revenu pétrolier – au lieu d’être distribué aux élites d’entreprises – a été utilisé pour financer les services publics nécessaires qui, pendant des décennies, n’avaient pas réussi à répondre aux besoins de la population.

2) La souveraineté : Un gouvernement qui ne suit pas la ligne des États-Unis, ne se plie pas aux dictatures néolibérales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, insistant sur le fait que son peuple est souverain et décidera de son propre avenir et aspire à construire une société socialiste et humaniste, ne sera pas toléré par la superpuissance restante. Surtout un pays de la région, que les États-Unis considèrent encore comme leur « arrière-cour ». Comment le gouvernement vénézuélien a-t-il osé nationaliser ses ressources naturelles, sortir son armée de l’infâme École militaire des Amériques et vendre son pétrole à d’autres pays, et non exclusivement aux États-Unis !

3) La guerre économique : Il y a un plan systématique et stratégique conçu par Washington pour priver les Vénézuéliens de nourriture et de médicaments. Ses exécuteurs sont les grandes sociétés, l’élite commerciale et les banques. Cela ne pourrait pas être plus clair. En 1972-1973, les États-Unis, scandalisés par le fait que le Dr. Salvador Allende, un communiste, avait gagné les élections au Chili, ont promis de se débarrasser de lui. Le président Nixon a déclaré : nous allons faire crier l’économie du Chili. Et c’est arrivé. Avant le terrible coup d’État qui a coûté la vie d’Allende, l’économie chilienne était sujette à la thésaurisation, à la rareté induite, à l’inflation, aux manipulations monétaires, au sabotage et à la contrebande. C’est le même scénario au Venezuela mais encore pire. Cela fait maintenant 5 ans de guerre économique, où les élites économiques vénézuéliennes, les laquais des puissances étrangères, sont tellement soutenues financièrement qu’elles peuvent mettre en œuvre la thésaurisation, le sabotage, l’entreposage, la manipulation monétaire, l’exclusion financière et la contrebande.

4) Une élite corrompue et raciste : L’élite du Venezuela contrôlait le gouvernement depuis des années – ils étaient les bénéficiaires de tous les revenus pétroliers. Pendant 40 ans, ils se sont approprié et ont dépensé l’équivalent de 12 plans Marshall. En 1999, lorsque le président Hugo Chávez a été élu, la pauvreté se situait entre 60 et 80% et l’extrême pauvreté et la malnutrition affectaient un tiers de la nation. La révolution bolivarienne du Venezuela a considérablement réduit la pauvreté, la malnutrition et le vagabondage, et a fourni des soins de santé universels et une éducation gratuite de la crèche à l’université. Elle a construit 2 millions de logements sociaux ces dernières années.

L’élite vénézuélienne a montré par sa violence épouvantable dans l’opposition qu’elle est égoïste, vile et raciste, au point de payer des criminels pour mettre le feu aux bâtiments publics, tuer des passants, attaquer une maternité, lancer des grenades à partir d’un hélicoptère sur la Cour suprême, détruire les bus publics et, le plus horrible, de mettre le feu aux jeunes hommes « qui avaient l’air Chavistes », en d’autres termes, qui avaient la peau sombre. Cette élite ne se soucie pas de savoir combien son propre peuple souffre tant que les puissances étrangères ne lui auront pas rendu le gouvernement qu’elle est incapable de gagner aux urnes. Les principaux dirigeants de l’opposition ont parcouru le monde en demandant aux pays puissants de sanctionner et d’isoler diplomatiquement et financièrement leur propre pays, sans se soucier que la nourriture et les médicaments se raréfient.

5) Un excellent processus d’élection : Il est scandaleux, même dans ce climat politique de mensonges et de désinformation, que l’on puisse considérer que le gouvernement vénézuélien n’est pas démocratique et que le président Maduro est un dictateur. En 19 ans, il y a eu 23 élections différentes, toutes surveillées par des témoins nationaux et internationaux et le gouvernement en a gagné la plupart mais en a aussi perdu quelques-unes. Et on retiendra que l’ex-président des États-Unis, Jimmy Carter, a déclaré en 2012 que : « En fait, sur les 92 élections que nous avons suivies, je dirais que le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde. » La protection anti-fraude du système est très efficace car chaque vote a trois garanties : une empreinte digitale, un vote électronique et un reçu papier. De plus, il y a une forte présence d’observateurs nationaux et internationaux. Ironiquement, ni les États-Unis, ni le Canada, ni la plupart des pays européens n’acceptent des observateurs internationaux à leurs élections.

6) Les élections présidentielles le 20 mai 2018 : Les États-Unis et leurs alliés sont impliqués dans la subversion et la disqualification de la démocratie vénézuélienne en discréditant les prochaines élections présidentielles du 20 mai. Après avoir agressivement exigé ces élections, maintenant ils les décrient et exigent qu’elles soient stoppées parce qu’ils savent que la majorité des Vénézuéliens soutiennent leur propre gouvernement.

Dans un exemple étonnant d’hypocrisie de la mentalité coloniale, le Parlement européen a adopté le 3 mai une résolution (492 voix pour, 87 contre, 77 abstentions) exigeant que le Venezuela suspende les élections présidentielles. L’arrogance européenne tend manifestement à exiger qu’un autre pays (même extérieur à l’Europe !) ne respecte pas sa propre loi, ses règlements électoraux et ses arrangements négociés avec les dirigeants de leur opposition.

Les États-Unis, le Canada, l’Union européenne, l’OEA (ndlr : Organisation des États américains) et le soi-disant Groupe de Lima des laquais de l’aile droite des gouvernements de la région sont en train d’attaquer les élections qu’ils avaient réclamées l’année dernière. Les lois vénézuéliennes stipulent que les élections devaient avoir lieu en décembre 2018, mais ils voulaient les élections l’année dernière. Le gouvernement a négocié avec l’opposition en République dominicaine et une date d’avril 2018 a été convenue. L’opposition a demandé plus de temps. Le gouvernement a de nouveau accepté et ils ont arrêté la date du 20 mai 2018.

Maintenant, l’Union européenne dit qu’elle « n’accepte pas » les élections parce qu’il n’y a pas de « garanties », sans préciser ce qu’elles signifient, ils demandent un « retour à l’ordre constitutionnel » sans allusion ni tentative de connaître et de comprendre les lois et la Constitution vénézuéliennes.

En fait, c’est la stratégie d’abstention des États-Unis que les principaux leaders de l’opposition suivent pour que les élections puissent être disqualifiées. Ils ont refusé de se présenter aux élections et exhortent les gens à ne pas voter. Le gouvernement a demandé à maintes reprises à ces partis d’opposition de se présenter aux élections. Ils essaient de diaboliser un système électoral autrement performant. En somme, c’est un montage, un scénario de théâtre pour continuer à diaboliser, contrarier et sanctionner un gouvernement qu’ils souhaitent renverser. Heureusement, l’opposition est divisée et quelques dirigeants se présentent aux élections, malgré les critiques acerbes de leurs propres camarades opposants.

Entretemps, une société de sondage la plus respectée au Venezuela a eu récemment des résultats intéressants liés aux élections présidentielles du 20 mai :

  • 86% de Vénézuéliens rejettent toute intervention internationale dans le pays
  • 70% des Vénézuéliens disent qu’ils vont participer aux élections – c’est une autre défaite pour la section de l’opposition, soutenue par Washington, qui appelle à l’abstention
  • 55% déclarent qu’ils vont voter pour Maduro
  • 11% déclarent qu’ils voteront pour Henri Falcon
  • 2% déclarent qu’ils voteront pour Javier Bertucci
  • 50% déclarent considérer le fonctionnement de l’Assemblée constitutionnelle nationale comme : « Très bon, bon ou normal à bon »
  • 71% considèrent que Maduro va gagner les élections (2 mai 2018, TELESUR)

Il y a une forte confiance que la Démocratie au Venezuela est vivante et bonne, et c’est pourquoi les États-Unis, le Canada, l’Union européenne et ses alliés en ont peur.

En résumé, les Etats-Unis et leurs alliés au Canada et en Europe sont impliqués dans une conspiration visant à renverser le gouvernement démocratique et populaire de Nicolás Maduro parce qu’ils veulent contrôler le plus riche gisement de pétrole du monde qui se trouve au Venezuela et ils veulent un gouvernement servile et obéissant qui acceptera les pots-de-vin et permettra aux États-Unis et à ses multinationales de gouverner et d’opprimer le peuple vénézuélien comme il l’a fait ces 40 dernières années avant le président Hugo Chávez.